Sur cette page :
- Témoignage d'Armand
- Extrait du Messie de Haendel : "je crois que mon rédempteur vit"
- N'oublions pas nos morts ! Un texte magnifique de Karl Rahner

croix de l'oratoire de la Maison diocésaine Saint Jean-Baptiste à Lyon.
Beaucoup d’entre nous, chrétiens, lorsque nous parlons de notre foi,
surtout si elle est tardive, parlons souvent de naissance.
Oui une naissance,
surtout par rapport à la vie que nous avions avant
de « rencontrer » Dieu.
C’est une belle image, une réalité
et je l’ai ressentie profondément dans mon parcours.
J’ai eu la douleur de perdre ma mère, il y a quatre ans, elle avait 88 ans et s’est éteinte doucement. Le jour de ses funérailles, nous étions tous réunis dans une petite église de Saône et Loire. Ce que j’ai vécu en ces instants peut paraître étrange lors de la perte d’un être cher et difficile à entendre pour un non croyant. Ce jour là, je n’avais pas de peine, au contraire, car je n’étais pas seul. Bien sûr il avait autour de moi ma famille, mes proches et mes amis, mais pas seulement. Il était là lui aussi, oui le Seigneur était là, il était venu accueillir ma mère et moi je la lui confiais. Elle ne nous quittait pas, je ne l’enterrais pas, je la remettais à Dieu, pour qu’elle continue son chemin. Ce fut pour moi, une révélation forte et troublante à la fois. Nous le savons, chaque mort nous renvoie à notre propre mort, à cet instant je découvrais que moi aussi j’étais mort…
J’étais déjà mort, le jour où je suis né en Christ, le jour où j’ai accepté, accueilli son amour, j’étais mort.
Car la mort n’était plus une fin en soi à mes yeux mais un passage pour une renaissance, une continuité.
"Ne t'ai-je pas dit que si tu crois, tu verras la gloire de Dieu?" dit Jésus en Jn 11.40.
Par sa mort, le Christ a vaincu la mort, il nous ainsi donné la liberté de vaincre notre propre mort. Ainsi cette magnifique phrase en ouverture du testament spirituel de Christain de Chergé prend-elle tout son sens : « Quand un A Dieu s’envisage »
Je ne peux pas mourir, je me donne à Dieu, et Dieu me donne ici et après, la Vie. J’avais passé toute une partie de mon existence hanté par l'idée de ma mort, à redouter aussi celle de mes proches et voilà que ma Foi m’ouvrait à la vie, le Seigneur m’avait libéré de ma mort. Aujourd’hui, je n’ai plus peur de mourir ; rassurez vous, je n’en n’ai pas l’intention non plus. Que Dieu me prête vie aussi longtemps qu’il lui plaira, je me dois pour l’instant d’être avec vous, pour vous servir, pour vous aimer les uns et les autres comme le Christ nous l’a demandé.
Armand Honorat, Lyon
Haendel : Le Messie I know that my redeemer liveth par Sylvia McNair soprano
Mise en ligne le 1 déc. 2009
Music video by Sylvia McNair, The Academy of St. Martin in the Fields, Sir Neville Marriner performing I Know That My Redeemer Liveth. (C) 1992 Universal International Music B.V.
I know that my Redeemer liveth,
and that he shall stand
at the latter day upon the earth:
and though worms destroy this body,
yet in my flesh shall I see God (Jb 19, 25-26).
For now is Christ risen from the dead
the first fruits of them that sleep (I Co 15,20).
Le silence de communion
Le silence de nos morts est un langage plus expressif et réalise une proximité plus intime que toutes les déclarations d’amour et d’intimité. Ils sont entrés dans la vie de Dieu, aussi ne peuvent-ils que se dérober à nos prises. Ils ne parlent plus qu’un seul langage celui de la jubilation infinie de leur cœur qui absorbe les mots de leur amour pour nous ; aussi ces mots ne peuvent-ils plus atteindre nos oreilles. Ils partagent l’infini même de Dieu, de sa vie, de son amour, aussi leur amour et leur vie ne peuvent-ils plus s’insérer dans le cadre étroit de ce que nous appelons notre vie et notre amour. Enfin, puisque notre vie terrestre porte sur son visage les traits de la mort, nous n’avons aucune expérience de ce que peut être la vie éternelle de nos morts, une vie qui, à la différence de la nôtre, n’a rien à voir avec la mort.
Mais c’est précisément en fonction de cette situation radicalement différente que leur vie est en relation de présence et d’intimité avec la nôtre. Leur silence est pour eux le moyen le plus clair de nous faire signe, car il est l’écho du silence de Dieu ; il est à l’unisson de la parole de Dieu qui s’adresse à nous. À l’encontre de notre agitation bruyante et des déclarations inquiètes et empressées que les hommes se font les uns aux autres pour protester de leur amour, la parole divine nous enveloppe tous dans son silence, nous et notre beau langage. Ainsi la parole de Dieu nous invite à entrer dans sa vie, et nous sommes invités à nous défaire de nous-mêmes en posant cet acte d’amour qu’est le risque de la foi, trouvant alors dans la propre vie de Dieu notre fondement éternel. Et c’est également de cette manière que nous appellent nos morts ; à travers leur silence, ils nous invitent, eux aussi, à entrer dans la vie de Dieu.
N’oublions donc pas nos morts, nos vivants de l’au-delà. Notre amour et notre fidélité à leur égard devraient être la pierre de touche de notre foi en Dieu, en ce Dieu qui est le Dieu de la vie éternelle. N’allons pas fermer l’oreille au silence de nos morts, car un tel silence est le dernier mot, et le mot le plus secret de leur amour. Ô mon âme, n’oublie pas les morts, car ils vivent, et leur vie n’est rien d’autre que la tienne, telle qu’elle sera lorsque, débarrassée des voiles qui te dissimulent sa vraie nature, elle parviendra à son épanouissement au sein de la lumière éternelle !
Mais comment, de leur côté, nos vivants de l’au-delà pourraient-ils oublier les morts que nous sommes, eux qui vivent près du Dieu de la vie ? Dieu qui leur a fait le don de lui-même, ne leur accordera-t-il pas aussi la joie de voir leur silence devenir pour nous la manifestation la plus éloquente de l’amour qu’ils nous portent, le langage qui conduira l’amour que nous leur gardons jusqu’au lieu de son épanouissement suprême : la vie et la lumière dont ils jouissent eux-mêmes ?
Ô mon âme, n’oublie pas les morts ! Appelle-les aujourd’hui dans ton cœur ; mets-toi à l’écoute de leur silence, apprends d’eux l’unique nécessaire, célèbre la fête de tous les saints. Et c’est alors qu’à son tour le Dieu de tous les vivants n’oubliera pas les morts que nous sommes, et qu’il sera un jour notre vie à nous aussi, dans une unique Toussaint qui ne finira pas.
L'homme au miroir de l'année chrétienne