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Actus | Accès à la foi

- Analyse des témoignages de recommencements

arbre dans le désert                        

Le désert est beau...

Ce qui embellit le désert, c'est qu'il cache un puits quelque part

Saint-Exupery, Le petit prince

 

 Essai d'analyse des récits de recommençants :

De la crise existentielle à la foi retrouvée 

Les témoins conviés lors de la rencontre diocésaine du 6 juin 2013 disposaient chacun de sept minutes pour évoquer leur chemin de recommençant ! Cette analyse de leurs récits est aussi enrichie de multiples autres témoignages recueillis en entretiens individuels dont certains ont été publiés sur le blog « Ils en parlent ».

ombre cloitre

Les recommençants donnent de leur conversion des récits singuliers ;  mais quelques traits particuliers se retrouvent régulièrement qui peuvent être repérés comme autant de signes d'un travail intérieur que l'expérience des pères spirituels est à même d'éclairer. 

Parmi les éléments déclencheurs d’un retournement identifié comme spirituel :

 - La lecture d’un article, d’un texte (article sur les péchés capitaux, article d’un moine, une prière…l'évangile), trouvés fortuitement dans un magazine disponible (médecin, dentiste, famille, hôtel) et lu avidement, comme poussé par une soif qui s’identifie alors comme soif de croire et d’y reprendre vie. Ces textes ont alors un peu une fonction de miroir de la quête intérieure plus ou moins identifiée.

 - « L’arrêt sur image », émotion, ou saisie intuitive de la présence de Dieu dans un évènement fort ou dans la rencontre de la beauté : monument religieux, musique, poésie, nature. Parfois la nuit, dans un moment relu comme "visitation" de Dieu.

 - La rencontre et l’écoute attentive d’un chrétien engagé, d’un prêtre ou d’un religieux ; l’expérience d’avoir pu dire le fond de soi sans être arrêté par un « prêt à croire » ou un jugement. Le souvenir de la saisie intuitive de la présence de Dieu entre alors peu à peu dans le jeu des médiations humaines.

Ces éléments se croisent et parfois précèdent le « moment du croire à nouveau », mais sont recueillis par les recommençants comme ce qui a déclenché le retournement déjà en genèse. Autrement dit, avant la foi retrouvée, il y a déjà le mouvement, l’ouverture spirituelle. Mais tous insistent sur le passage décisif - difficile ou lumineux, brutal ou progressif - vers le basculement du moment où l'on ose déclarer : « je me dis à nouveau croyant ».

      Les signes du travail intérieur vers la foi retrouvée

Au milieu d'éléments circonstanciels assez courants dans nos sociétés, les recommençants relisent et discernent après-coup des indices de "purification passive", c'est à dire du travail de l'Esprit-Saint en eux. Voici quelques aspects de ce que beaucoup (mais cependant pas tous) disent avoir traversé :

Un moment de crise : cap de certains âges de la vie (début de l’âge adulte : de plus en plus souvent), 40 ans, 50 ans, entrée dans la vieillesse), sortie de la période professionnelle, naissance ou départ des enfants, deuil, séparations, échecs professionnels : tout ce qui conduit à « repositionner les cartes ».

Avec parfois des tentations de « fuite » en se réfugiant dans l’activisme, la carrière, l’hédonisme et jusqu'au recours à des adjuvants destructeurs : alcool ou drogue.

Ou des ruptures : séparations conjugales, réorientation de vie (sortie d’une congrégation religieuse, d’un syndicat où l’on a longtemps milité).

Un temps plus ou moins long de désolation spirituelle ou de tristesse chronique : presque tous les témoins évoquent la tristesse, voire le dégoût (au sens de perdre le goût de ce à quoi l’on tenait avant), de conscience soudaine de la vanité des apparences.  De cette crise de désolation émerge un désir de vraie joie contre l’impression de vivre superficiellement. Le "creux" de vague déclenche une aspiration à vivre autrement.

Avec le risque de traiter la crise selon des modalités extérieures. Plusieurs mentionnent avoir eu d'abord recours aux antidépresseurs, à la sophrologie ou au yoga, à des techniques qui aident mais ne résolvent rien. Les médecins consultés interprètent souvent ces crises existentielles comme des dépressions...

Une boulimie de lectures nourrissantes, propres à éclairer ce qui se passe et n’est pas bien compris par le sujet en phase de conversion ou par son entourage : parfois des lectures d’auteurs spirituels, le plus souvent un retour ou une venue à la Bible. Une soif d'entendre des témoins et d'accéder à une culture chrétienne pressentie comme ressource vitale.

Un attrait nouveau pour la méditation, puis pour la prière, d’abord seul, et lors de pèlerinages, de séjours en monastères. La plupart des recommençants confient "prier sans arrêt" ou bien "ne pas savoir prier" tout en pensant sans cesse à Dieu ! Une demande est souvent exprimée : "laissez les églises ouvertes : ceux qui cherchent Dieu n'ont pas d'autre lieu pour répondre à cet appel intérieur".

Le désir d’être éclairé et conduit par quelqu’un de sûr : c’est le moment où le chercheur de Dieu s’adresse à quelqu’un qui pourra être un guide dans son retour : moine, prêtre, religieux ou chrétien de l’entourage reconnu pour la solidité de sa foi.

L'expérience des recommençants offre  des parallèles frappant avec l’éclairage que donnent les maîtres de vie spirituelle à l’école des mystiques. Nous sommes ici non seulement en présence d’indices au sujet des besoins actuels en matière de spiritualité, mais témoins de la réalité de ce qui se joue dans la renaissance d’une vie spirituelle.

      La joie de croire

Si la crise est profonde et dure parfois longtemps, la foi retrouvée se dit toujours en termes de joie. Cette joie que nul ne leur ôtera selon la promesse de Jésus, peut être décrite avec simplicité, dans le plus concret de la vie courante. Elle coïncide avec :

-       L'exigence qui se fait jour peu à peu de s'organiser concrètement pour accéder à une vie bonne selon l'évangile

-       Le désir qui conduit à faire le tri entre l’essentiel et le secondaire, fût-il important socialement.

-       L'évidence quant au terme espéré : connaître Dieu, vivre avec lui.

Une reconnaissance mutuelle

Ceux qui ont fait cette traversée se reconnaissent immédiatement les uns les autres. Tous le disent. Sans juger du for interne des autres croyants, ils sont parfois stupéfaits de la tiédeur des « pratiquants », surpris par les postures intellectuelles prônant les définitions de foi avant la foi. Ils aspirent à pouvoir échanger sur l’essentiel avec les mots de la vie. Ils sont attirés par les spirituels. Enfin, ils éprouvent le besoin de témoigner car, disent-ils, nombreux sont ceux qui vivent la même chose et se sentent isolés, incompris.

Une solidité à l’épreuve de la souffrance et de l’incompréhension

La vie n’épargne pas plus les recommençants que les autres fidèles. Mais la foi retrouvée leur donne la force qui vient d’en-haut : « Dieu est mon rocher » dit l’une d’eux. « Mon cancer n’a curieusement pas été une angoisse », confie une autre. Un homme incompris et rejeté dans sa propre paroisse, au pire de l’incompréhension, reste « sous la croix » et prie « pour ses frères en Christ ». Un autre s’est vu écarter de responsabilités ecclésiales locales parce qu’il dérangeait. Il est donc sorti sur la pointe de pieds pour servir ailleurs, car « c’est le Christ qu’il faut servir, comme il le veut et pas comme je l’imaginais ».

Ces confidences révèlent un point commun à ces croyants convertis : le recommencement est un évènement. Il y a un avant et un après. L’après est marqué par ce qui appartient à la résurrection, telle qu’en parle saint Paul. Ils recherchent « ce qui est en haut » (Col 3, 1). Un peu comme s'ils étaient "morts à eux-mêmes" pour vivre du Christ. Ainsi le témoignage de cet homme : J’avais passé toute une partie de mon existence hanté par l'idée de ma mort, à redouter aussi celle de mes proches et voilà que ma Foi m’ouvre à la vie, le Seigneur m’a libéré de ma mort. Aujourd’hui, je n’ai plus peur de mourir ; rassurez vous, je n’en n’ai pas l’intention non plus. Que Dieu me prête vie aussi longtemps qu’il lui plaira, je me dois pour l’instant d’être avec vous, pour vous servir, pour vous aimer les uns et les autres comme le Christ nous l’a demandé.

 

Un désir de servir

Le témoignage ci-dessus le confirme, témoigner, c’est aussi servir. « Je ne suis jamais aussi bien qu’avec mes vieux patients, car c’est en eux que je retrouve le visage du Christ » dit cette infirmière aujourd’hui engagée dans le catéchuménat. Nous voyons « grandeur nature » dans leur vie à quel point la proximité de Dieu est inséparablement proximité avec les frères en leurs pauvretés (Exode 3). Les grands fondateurs chrétiens de saint Vincent de Paul à Charles de Foucauld ou Mère Térésa, n’ont-ils pas tous vécu une conversion au sens d’une rencontre personnelle et décisive avec le Christ ? Des belles et grandes vocations naissent des recommencements actuels ; et parmi elles, le diaconat n’est pas la dernière car ces hommes - les femmes l'exprimant par d'autres appels - ne peuvent plus désolidariser leur propre expérience de salut du service de leurs frères. Aller, lorsque c'est possible, vers un ministère diaconal est alors pour eux la réponse qui engagera tout leur être, pour toujours.

                                                                                                      M.Mertzweiller, 1er juillet 2013  

 

 

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